Vendredi, Julien Moya1 a lancé un pavé dans la mare :
Tous ces standards et contraintes purement techniques imposés au webdesign pour en limiter la portée de bien 80% ces dernières années...
— Julien Moya (@JulienMoya) January 30, 2015
N'ont-elles eue pour resultat qu'un web mobile à moitié inacessible, inutilisable, blindé de bugs ?
— Julien Moya (@JulienMoya) January 30, 2015
Contacté par email, il m'a ensuite précisé le fond de sa pensée :
Pour être plus précis, je critique les résultats finaux très médiocres obtenus depuis la généralisation des standards et usages récents (abandon de Flash, HTML/CSS/JS, W3C, mobile first, responsive, frameworks et explosion des CMS) comparés à la récession créative majeure qu'elle a provoquée. En d'autres termes on a totalement bridé la créativité du web sous le motif de le rendre plus accessible, et on finit avec un web qui n'est ni accessible, ni standard, ni encore moins créatif.
Étant en désaccord avec lui, j'ai répondu par tweets interposés.
Je tiens toutefois à résumer le fond de ma pensée ici, non seulement pour garder une trace de cette réflexion, mais aussi pour la pousser plus loin en votre compagnie.
L'idée est de démontrer dans un premier temps que les standards du web ne sont pas responsables de l'usage qui en est fait, puis d'essayer de comprendre d'où vient cette impression que les sites web d'aujourd'hui se ressemblent tous.
Les standards du web sont innocents !
Dire que les standards du web seraient en partie responsables d'une piètre qualité du web aujourd'hui n'a aucun sens.
Les standards du web sont juste un socle technique, ils ne sont pas responsables de l'usage qui en est fait.
Si on compare les standards du web à un alphabet, ce n'est pas l'alphabet qui est responsable si les gens font des fautes ou s'ils sont illettrés.
Je suis d'accord pour dire qu'il y a des sites catastrophiques, dont les interfaces sont peu ou prou inutilisables, et que ces interfaces génèrent beaucoup de frustration chez les utilisateurs, assaillis par des dark patterns et autres mauvaises pratiques à gogo.
Mais cela n'est pas la faute des standards : c'est la faute des professionnels qui conçoivent, créent et développent ces interfaces – vous et moi, donc.
Qui parmi vous n'a jamais râlé contre un site web ? Menu déroulant impossible à garder ouvert, ralentissement de l'ordi quand une vidéo plein écran fait son apparition, fenêtres modales impossibles à fermer, publicités hyper invasives, contrastes insuffisants, impossibilité de naviguer au clavier, temps de chargement hyper longs, et j'en passe…
Toute cette frustration découle d'une UX désastreuse, de mauvais choix graphiques et d'implémentations techniques pas toujours réussies.
Ce sont les choix qui sont faits qui sont mauvais, et qu'on doit constater au cas par cas pour éviter de généraliser à outrance (du genre « C'est la faute des [web designers] [intégrateurs] [développeurs] » – rayez la mention inutile).
L'idéal en proie à la réalité
Il y a certes un fossé énorme entre l'idéal technique porté par les standards du web, et ce qui en est fait en pratique.
Mais n'oublions pas qu'un site web est toujours le résultat d'un travail collectif ; on ne peut blâmer uniquement l'aspect technique.
Le web contemporain est un eldorado encore en phase d'exploration. On tâtonne, on expérimente, et oui, il arrive que l'on se plante.
Mais si on fait ce métier, c'est parce que la difficulté ne nous fait pas peur.
Quand on bosse pour le web, il est absolument vital de connaître les standards et de les mettre en pratique grâce à des technologies libres, ouvertes et gratuites.
Certes, aucune technique n'est pérenne : on sait que le web va encore évoluer et se renouveler, et que nos bonnes pratiques d'aujourd'hui auront probablement évolué dans cinq ans.
Cela peut paraître frustrant. Moi, je fais partie de ceux qui trouvent ça motivant !
Alors, oui, il y a des sites pourris. Mais blâmer l'effort de standardisation qui est fait afin de rendre le web plus accessible, c'est se tromper de cible.
Le problème à mon sens, c'est le fossé entre la théorie (standards, accessibilité, bonnes pratiques, qualité web, etc.) et la pratique. Les évangélisateurs ne sont pas les décideurs.
Le problème tient souvent au fait que nos clients veulent à tout prix de « l'effet wahou », aux dépends de l'UX et de la qualité. (J'y reviendrai dans un instant.)
Pour les satisfaire (et peut-être aussi pour satisfaire notre irrépressible besoin d'essayer ce qui est nouveau), on implémente vite fait le dernier effet à la mode vu sur Codrops la veille, sans se demander deux secondes si ça va réellement rendre service à l'utilisateur, ni si ça va réellement l'aider à atteindre les objectifs du site.
Une perte de créativité ?
Cependant, pour Julien Moya, le problème serait beaucoup plus profond que quelques effets en trop
2 : les normes techniques édictées par les standards seraient mauvaises, inadaptées (et) bâclées
3, faisant du web un énorme rayon de surgelés
4.
Julien a ensuite apporté des précisions sur ce qui le chiffonne exactement, à savoir : le mauvais design.
@madeofpixel Aujourd'hui, je considère qu'on a perdu 90% de ce qui faisait cette richesse, au profit d'un énorme rayon de surgelés.
— Julien Moya (@JulienMoya) January 30, 2015
@madeofpixel Où des créations standardisées se succèdent sans aucune autre recherche que celle des gimmicks à la mode, sans âme.
— Julien Moya (@JulienMoya) January 30, 2015
@madeofpixel @kReEsTaL Le web est balkanisé, les sites buggés, l'affichage erratique, la navigation insupportable.
— Julien Moya (@JulienMoya) January 30, 2015
@madeofpixel @kReEsTaL Et on se retrouve aujourd'hui avec un média qui a perdu presque tout ce qui en faisait pour moi l'intérêt.
— Julien Moya (@JulienMoya) January 30, 2015
@madeofpixel @kReEsTaL Je me souviens d'une époque où ce qu'on appelle ajd le "flat" était juste un style parmi d'autre, pas 90% des sites.
— Julien Moya (@JulienMoya) January 30, 2015
@cmozzati Plus d'âme, plus de création. On ne fait tous que répéter la même chose avec les mêmes mots.
— Julien Moya (@JulienMoya) January 30, 2015
Je suis plutôt d'accord pour dire qu'en matière de web design, la tendance est au copier/coller et au manque d'inspiration (les portfolios notamment, mais pas que).
Mais là encore, la seule technique n'y est pour rien.
Ce qu'il faut aujourd'hui, c'est que les standards soient apprivoisés par les designers, et pas uniquement par les techniciens.
Je suis convaincue qu'on ne peut faire un bon design que si on connaît très bien les contraintes du support pour lequel on travaille. Être créatif avec des contraintes, voilà là tout le défi que doit relever un designer.
Tout comme le designer print connaît la différence entre du CMJN et du RGB, entre du gaufrage et du vernis sélectif, un designer web se doit de connaître les spécificités, possibilités et impossibilités techniques du média pour lequel il produit des interfaces.
Or, oui, aujourd'hui ces contraintes sont différentes des contraintes qui existaient à la fin des années 90 et au début des années 2000, et elles ne cesseront jamais d'évoluer, à un rythme très rapide qui plus est.
Le web est un immense champ des possibles qui s'ouvre aux designers. Il faut donc faire énormément de veille, rencontrer ses pairs, cogiter à plusieurs, documenter ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas, partager des retours d'expérience et prendre un recul salvateur vis-à-vis de la technologie, tout cela afin d'enrichir le savoir commun et d'améliorer notre pratique.
À nous de trouver un juste rapport entre innovation et pérennité.
C'est pour cela qu'on a besoin de web designers expérimentés, qui puissent prendre à bras le corps le web d'aujourd'hui, en le connaissant très bien tout en ayant une vision créative qui transcenderait ce qui a déjà été fait.
Même si le socle technique va continuer à évoluer très vite, il y a des choses dont on est sûrs. On sait par exemple que les technologies ouvertes et libres comme HTML, CSS et JavaScript sont plus accessibles que Flash.5
Maintenant, il faut passer au second chapitre de cette révolution technique : renouveler créativement le web.
Ce type d'évolution se fait toujours en deux temps : d'abord la technique, puis l'utilisation. Les standards étant très récents6, les spécifications et les usages évoluant sans cesse, il est normal que l'on tâtonne encore et qu'il y ait des ratés.
Il y a aussi des choses très bien, c'est juste qu'elles sont rarement produites en France et que nous devons décoller notre nez de la vitre pour observer ce qui se fait ailleurs.
Quoi qu'il en soit, ce n'est pas en cinq ou dix ans qu'on va résoudre une fois pour toutes les problématiques du web.
Un problème français ?
C'est en toute logique que le dernier point de la discussion sur Twitter a concerné les sites français, souvent ennuyeux à mourir.
J'y vois, moi, une conséquence directe du manque de culture graphique et artistique généralisé en France. Il suffit de regarder la place accordée aux arts plastiques à l'école avant le bac : néant (ou peu s'en faut).
Les filières créatives sont toujours dévalorisées au profit des filières scientifiques. Idem pour l'enseignement artistique dans le secondaire : soit il est réservé à une élite (écoles privées), soit il ne débouche sur aucune perspective professionnelle.
Le manque de culture graphique franco-français se traduit par un décalage des productions graphiques françaises par rapport à ce qui se fait dans les autres pays.
Prenons un exemple en dehors du web : l'édition. N'avez-vous jamais remarqué que les couvertures de livres anglo-saxons sont éminemment plus sympas que leurs équivalents français ?
Les graphistes français et anglo-saxons n'ont pas la même culture, car les arts plastiques et graphiques ne sont pas enseignés ni valorisés de la même façon.7
Et ce n'est pas la remise en question quasi systématique de l'utilité de l'enseignement des arts plastiques à l'école qui aideront à relever le niveau.
Un champ sémantique révélateur
Par ailleurs, Julien Moya ajoutait que le simple terme de « graphiste » est une spécificité française qui rime avec « artiste », là où le monde entier parle de « designer ».
Ce qui contribue à la difficulté qu'on a en France de comprendre ce que fait précisément un designer.
Le mot « artiste » lui-même est hélas victime de connotations péjoratives : « Oh, lui, c'est un artiste ! », façon de dire qu'il s'agit d'une personne farfelue, excentrique, un peu fofolle, qu'il ne faut pas prendre au sérieux.
Personne ayant un tant soi peu d'estime pour lui-même ne revendiquera être « un·e artiste » en France. Ce mot est devenu dévalorisant.
Il est intéressant de noter qu'un certain trouble sémantique s'est emparé d'autres professions liées au web : les débats concernant les termes « intégrateur » vs. « développeur front-end » en sont la preuve8.
J'ajouterais aussi que les vocables à la mode pour caractériser les techniciens sont eux aussi révélateurs de sens : « ninja », « gourou », « dieu »… Il n'existe rien d'aussi valorisant pour les métiers créatifs.
Cela dénote une perception très différente de la « valeur » supposée de ces métiers, même si cela ne s'appuie sur aucun fait concret.
En France, on pense encore bien souvent, en 2015, que le design relève du « coloriage » : par là-même, on dévalorise la spécificité et l'expertise de ce métier, au profit de la sacro-sainte technique, qui serait plus « sérieuse ».
Julien Moya parlait à juste titre de game design : un milieu qui – même en France ! – explose créativement depuis des années. Il ne viendrait à personne de dire à un game designer : « HAN TU FAIS DU COLORIAGE ! ».
Dans le web, en revanche, si.
Méconnaissance et mépris
Le mépris pour tout ce qui touche à l'art et au design en France est à la mesure de la méconnaissance de ces disciplines et de leur histoire.
Ce mépris rejaillit en toute logique sur le web : dans les milieux techniques web français, on retrouve cette même incompréhension teintée de mépris pour la chose artistique.
Et ce mépris ne se trouve pas uniquement chez les petites mains, il se constate aussi à tous les niveaux de la hiérarchie : les différences de salaires, parfois énormes, entre un poste de développeur et un poste de designer en sont révélatrices.
Il est considéré comme « normal » de payer davantage un développeur qu'un designer9.
De même, l'idée selon laquelle il est acceptable d'attendre des illustrateurs ou des designers qu'ils travaillent « gratuitement » est communément admise10.
Il ne viendrait à l'esprit de personne d'attendre de son boulanger ou de son plombier qu'ils travaillent gratuitement ; mais en matière de design et d'art, c'est monnaie courante.
Une production web française trop fragmentée
Enfin, l'autre principal problème selon moi, c'est la trop grande fragmentation de la production web française.
Il est très difficile de trouver :
- une agence qui soit à la fois excellente techniquement et artistiquement ;
- une agence créative excellente qui comprenne vraiment bien les contraintes techniques du web contemporaine ;
- une agence techniquement excellente qui comprenne vraiment bien la nécessité d'innover pour porter à l'écran un design précis, mais sans sacrifier le confort d'utilisation et l'accessibilité.11
On a besoin d'experts qui connaissent à la fois le design et la technique. Ça commence doucement à venir, car le web d'aujourd'hui requiert une grande polyvalence.
En outre, le web est encore un métier d'autodidactes : quand on commence à bidouiller son premier site web, on ne se pose pas la question « design ou technique », on touche à tout.
Ce besoin criant de polyvalence souffre pourtant du goût français immodéré pour les silos et la fragmentation.
Le web s'est industrialisé : avec lui, les temps alloués à la création originale et au développement se sont réduits à une peau de chagrin, contraignant designers, intégrateurs et développeurs à produire toujours plus, toujours plus vite, sans leur permettre de faire de temps en temps des pauses leur permettant de prendre le recul nécessaire pour produire des sites de qualité.
Parlerait-on de travail à la chaîne qu'on exagèrerait à peine.
D'où, peut-être, cette sensation de copier/coller et de « surgélation créative » qu'a Julien Moya : faute de temps, faute de budget, il est tentant d'ajouter les animations et effets en vogue en se basant sur ce que fait le voisin, car c'est relativement facile à faire, ça en met plein la vue aux clients et autres décideurs.
Et tant pis si c'est mal fait, artistiquement et techniquement : au moins, ça aura été fait vite, donc ça aura été rentable.
C'est pourquoi je me garderai bien de dire que la relative médiocrité des sites web français découle forcément d'une paresse intellectuelle : dans la plupart des cas, ce manque de créativité et cette sensation d'imitation généralisée proviennent des rythmes de production web qui se sont dramatiquement accélérés ces dernières années, mais aussi des exigences des clients.
Le client est roi
En effet, il ne faut pas négliger non plus le poids des décisions de nos clients sur l'effort créatif web.
Ce sont souvent nos clients qui réclament un design similaire à celui de tel ou tel concurrent. On parlait du flat design : comme ce courant est à la mode, c'est souvent ce qu'on nous réclame.
Il est souvent très difficile de leur faire comprendre que ce qui fonctionne pour une autre marque n'est pas toujours, voire rarement, approprié à leurs propres besoins.
Nos clients sont les premiers à copier les idées d'autrui. Ils s'épient les uns les autres sans relâche. S'ils n'obtiennent pas quelque chose qui ressemble un peu au site du voisin, ils ne sont pas satisfaits.
Or, ce qui empêche principalement les designers de pousser plus loin leur réflexion, d'innover ou de faire des sites plus originaux et mieux adaptés à chaque problématique client, c'est que leur avis pèse bien peu face à la fameuse sentence « le client est roi ».
Ainsi, le designer se voit souvent obligé de satisfaire les exigences de ses clients et de faire comme le voisin. Ce choix n'est donc pas toujours de son seul fait, mais fortement soufflé par les autres acteurs du projet.
Il en va de même en phase d'intégration, et il en va de même, dans une moindre mesure, en phase de développement.
En outre, si on veut innover, sortir des sentiers battus créativement, cela représente un budget, que nos clients ont rarement.
Designers, debout !
Oui, le design est une discipline stratégique pour le web. Plus personne ne devrait en douter aujourd'hui.
Oui, il est temps que les designers français prennent davantage la parole, soient plus visibles, et proposent des alternatives graphiques sidérantes aux mauvais designs actuels.
Oui, on a besoin de designers dans les instances de spécification et de labellisation, on a besoin de designers visibles pendant les conférences web autour du monde, et on a encore besoin de designers aux côtés des techniciens pour modeler ce web en devenir.
On a besoin d'initier nos clients, mais aussi nos collègues techniciens, à l'expertise créative.
On a besoin de petites agences polyvalentes, constituées d'experts en design, en front et en back, pour façonner, main dans la main, le web de demain.
Le web ne doit pas être l'apanage des seuls techniciens.
Quant aux jeunes générations de designers et de développeurs, elles ont besoin d'un enseignement de qualité. Un enseignement non binaire, qui prendrait en compte les contraintes techniques du web, mais aussi l'histoire de l'art et du design industriel.
Il ne faut pas que les designers rendent leur tablier : c'est maintenant que le web a besoin d'eux !
- Julien Moya est directeur artistique, graphiste et web designer, mais est également auteur de Profession Graphiste indépendant, un super bouquin que je vous recommande. ↩
- Source ↩
- Source ↩
- Source ↩
- Encore faut-il qu'elles soient utilisées à bon escient, certes. ↩
- Le W3C a été créé en 1994. ↩
- au sujet de l'enseignement du design en France, je vous recommande l'écoute du podcast Penser l’Éducation du Design Numérique. ↩
- STPo y a d'ailleurs consacré un savoureux billet la semaine dernière. ↩
- …et de payer davantage un développer qu'un intégrateur. ↩
- À ce sujet, je vous renvoie à l'article Un graphiste, pourquoi c'est cher ? de Christelle Mozzati. ↩
- Pour moi, c'est l'accessibilité et l'interopérabilité qui donnent tout son intérêt au métier d'intégrateur. En particulier, c'est l'accessibilité qui confère à mon métier une dimension philanthropique. C'est encore l'accessibilité qui me fait accepter de travailler sur des projets web dont l'objectif est commercial, dans 99 % des cas. ↩
4 février 2015
Un billet passionnant, y compris pour une amatrice. Ton hypothèse de départ (l'alphabet n'est pas la cause de illettrisme) est très pertinente. J'ajouterai qu'un standard n'en devient un que parce que, précisément, il a prouvé qu'il était nécessaire et bien fait.
8 février 2015
Merci Kalys !
En ce qui concerne les standards : ils répondent souvent à un besoin ressenti par l'usage, mais il arrive aussi que leur spécification anticipe l'usage qui en sera fait.
C'est une façon d'orienter la production web dans le bon sens.
Une petite citation de Tim Berners-Lee que j'aime bien à ce sujet :
4 février 2015
Hello Marie !
Article très intéressant, plein de bonnes réflexions.
Pour ma part, je mettrai cette standardisation du graphisme web sur le compte de deux facteurs principaux (que tu as cité), l'accélération de la production d'un site et les choix du client.
Comme tu dis, aujourd'hui on travaille à la chaîne, nous sommes très loin d'un boulot d'artisanat, ou chaque élément d'un site est pensé et produit au cas par cas. Les frameworks (graphiques ou techniques) à outrance en sont une preuve. Quasiment chaque semaine, on me demande de produire une charte pour un appel d'offre de site, si ce n'est deux et le temps pour la réaliser est d'en moyenne une journée et demie... Comment réussir à comprendre l'activité du client, s'imprégner de son univers, chercher les visuels de qualité dont le client ne dispose jamais, penser les accroches et mettre tout ça dans une belle mise en page (accueil et page de contenu cela va de soi).
Il est difficile de se renouveler à chaque maquette d'autant plus à un tel rythme, donc c'est assez naturellement qu'on produit des chartes similaires.
Et bien souvent le client en redemande. Combien de fois j'ai entendu, "une charte à la Apple"... Alors qu'on n'a aucun visuel à disposition, ni même aucun produit à mettre en avant... Je pense que le client ne fait pas la différence entre ce qu'il aime bien et ce dont il a besoin. Et comme tu l'expliques, pas facile de lui faire entendre que son choix n'est pas judicieux.
Le manque de culture graphique est probablement à blamer mais également une méconnaissance d'internet tout simplement.
Pour autant, tout cela dit, je dois avouer que j'entretiens moi-même cette standardisation graphique, car je recopie volontairement quelque chose que j'ai vu et qui m'a plu et que pour m'amuser et par curiosité je souhaite réaliser moi-même.
De plus, en ce qui me concerne, j'aime cette tendance "Flat". Mais je suis convaincu qu'il ne s'agit que d'une période et qu'on finira par en ressortir et que tôt ou tard ce style sera à nouveau dépassé. Le cycle des tendances va continuer à s'écouler, c'est juste que ne nombre de sites qui sortent augmentent de façon exponentielle et l'impression de voir tout le temps le même site aussi.
En bref, je ne pense pas qu'il soit possible de renouveler créativement le web tous les ans, c'est un travail de la part de tous les acteurs du web qui prend beaucoup de temps et en prend paradoxalement plus à mesure qu'on produit plus vite les sites, mais je n'ai pas de doute que le renouvellement continuera à se faire de manière naturelle sans même qu'on y pense. :)
8 février 2015
Salut ! Merci pour ton commentaire, super intéressant.
C'est précisément là où le bât blesse : par exemple, l'intégration web est encore, à bien des égards, un métier artisanal, étant donné la constante effusion technologique qu'elle doit embrasser.
L'accélération de la production web impose en effet que les intégrateurs inventent des méthodes qui leur permettent d'aller de plus en plus vite, aux dépends d'un temps pour l'expérimentation et la R&D, pourtant absolument nécessaire dans ce métier.
Ainsi, des solutions personnalisées que l'on pourrait mettre en place sont souvent laissées de côté, car leur application prendrait trop de temps.
Or, si on veut justement sortir le web design de cette approche industrielle, où à terme tout finit par se ressembler, faute de temps et d'évangélisation suffisants, il faudrait prendre le temps de concevoir des interfaces plus soignées, au cas par cas – peut-être sur de petits projets ?
Je n'ai pas la réponse absolue, en tout cas à mon petit niveau, c'est ce que j'essaie de faire : dans mon temps libre, prendre ce temps de la réflexion et de l'expérimentation, pour proposer des interfaces qui sortent un peu de l'ordinaire, et qui permettent de se plonger dans des univers forts et originaux.
Tout à fait d'accord.
Mais l'un n'empêche pas l'autre. C'est normal d'être inspiré par ce qui se fait, rien ne naît jamais du néant, créativement !
Cependant, je pense qu'en tant que créatifs, nous devons faire l'effort de pousser plus loin la réflexion, nous forcer à lutter contre la tendance qui consiste simplement à copier sans essayer de pousser le concept un peu plus loin.
Or, pour ça, il faut faire énormément de veille graphique, et pas seulement web, je dirais. Sinon on reste dans un vase clos, et rien ne bon ne peut sortir de ça.
4 février 2015
Je te rejoins sur bon nombre de points : la métaphore de l'alphabet est excellente.
Par contre, j'en ai marre de lire que les standards appauvrissent les sites, c'est une ânerie (à supposer qu'on parle des standards du Web) : les standards sont "juste" là pour assurer que peu importe le navigateur, ça fonctionne partout.
Idem pour l'accessibilité, l'accessibilité ne dicte pas de design moche, elle est "juste" là pour sécuriser l'accès à l'information.
Par contre, je te rejoins totalement, il y a un manque de culture graphique. Tout comme je vois un manque de culture web (et je ne parle même pas de la culture responsive, vide intersidéral chez certaines agences de comm').
Je ne suis pas "designer" au sens "graphiste/créa", quand j'ai voulu refaire le site de Röcssti, j'avais bien fait qq essais, mais comparé à ce que mon graphiste de l'époque m'a pondu (le layout actuel), j'en étais loin et j'étais bien incapable de faire aussi vite et bien (en même temps, c'est un métier, et ce n'est pas le mien ^^).
Donc oui pour avoir des designers avec une grosse culture web (contraintes, composantes, etc.), c'est indispensable.
Quand au flat, à mon avis (je dis ça je dis rien), il est très courant parce que… ça arrange tout le monde : c'est facile à designer, à intégrer, à responsiver, etc. n'oublions pas que le choix d'un "style" a souvent bien d'autres raisons + profondes que le simple goût du graphiste : coût, mode, comment il sert les objectifs, etc.
Après, il faudrait que certains "designers" atterrissent aussi sur la réalité du métier :
- oui, faire comme le voisin, c'est courant.
- oui, faire comme sur "tel site", ça coûte moins cher.
- oui, faire comme sur "tel site" parce que "ça fonctionne bien", ça se défend.
- oui, de nombreux sites se ressemblent (les clones bootstrap sont de bons exemples).
Note que je ne dis pas que c'est bien/mal (j'ai pas de jugement de valeur là-dessus), c'est juste une réalité.
D'ailleurs, quand tu te lances sur un projet, le premier réflexe est d'aller voir ce que fait la concurrence (en bien ou en mal, et du coup, ce qui permet d'en tirer un positionnement).
Et c'est partout pareil : faudrait arrêter de croire que ce fait arrive uniquement avec le web ou avec le web design. Je suis pas un cador en histoire de l'art, mais de mes vieux souvenirs de cours : la copie/inspiration est aussi vieille que l'art, le web n'a rien inventé.
8 février 2015
Salut Nico ! Merci pour ton commentaire :)
Ouais, et je dirais même que le web n'a jamais été aussi consistant d'un navigateur à l'autre, justement grâce à cet effort de standardisation.
Bien sûr. À propos du rapport entre les sites très accessibles et leur design, souvent jugé décevant ou « moche » : je pense que c'est souvent voulu, qu'il s'agit souvent d'un choix conscient. Simplifier l'interface par exemple pour faciliter l'accès à l'information.
Cela étant dit, je pense qu'il est tout à fait possible de créer des interfaces accessibles et démentes, créativement. C'est en tout cas ce à quoi j'aspire, en tant que designer web.
Je pense qu'il manque des exemples, sur le web, qui s'adresseraient aux web designers, pour leur montrer que l'accessibilité peut être esthétique, que c'est possible d'allier à la fois une haute qualité technique et une haute qualité artistique.
Les deux univers sont encore trop étanches l'un vis-à-vis de l'autre. On manque de designers passionnés par l'accessibilité.
Je me méfie des choses qui ont l'air simples en apparence ; ce n'est pas parce que quelque chose semble « simple » ou « facile » que ça n'a pas demandé un boulot monstre, des tonnes d'aller-retours, beaucoup de recherche créative, etc.
Toutefois, je crois que ce qui se fait côté thèmes (WordPress, notamment – le CMS le plus utilisé dans le monde) a une part de responsabilité sur cette sensation de « copier/coller ».
Même les entreprises (notamment certaines agences web) utilisent des thèmes, qu'elles personnalisent tant bien que mal.
Or, si même les producteurs de design web choisissent la solution de la facilité, comment peut-on convaincre nos propres clients que, oui, il faut consacrer des budgets importants au design ?
Cela me paraît complètement schizophrène !
Mmm, en général, le goût du designer n'est pas ce qui prévaut dans la conception d'une charte graphique. Tout choix graphique, en terme de design, est motivé par les autres raisons que tu évoques.
Il faut essayer de lutter contre le stéréotype tenace qui associe design à la seule personnalité du designer.
4 février 2015
Je suis tellement d’accord avec toi.
J’aimerais appuyer ton discours sur deux points :
- Les contraintes sont salvatrices pour l’exercice du design, c’est ce qui permet de dénicher des idées novatrices et astucieuses. En ça, j’interprète le symptôme des sites « clones » comme un manque sévère de contraintes lors de leur création. L’uniformisation n’est causée ni par les standards du web ni par l’incompétence des designers mais par l’incapacité des annonceurs à définir leur identité (on y trouvera certainement des origines dans le manque profond de culture graphique et identitaire, ainsi que des business models farfelus comme « la même chose que tel service en mieux »). Allez, j’y ajoute un peu de lecture : « S’il-vous-plaît, contraignez-nous ! » par le DA nantais Boris Forconi. Une perle.
- La culture graphique en France : excellent sujet. Le bac Arts Appliqués (le plus approchant d’une formation graphique niveau bac) est une filière du bac technologique ISI (Initiation aux sciences de l’ingénieur). Voilà voilà. Cette culture graphique est moins qu’une sous-culture en France, là ou le monde anglo-saxon en fait une culture d’avant-garde et d’élites. On en retrouve des traces dans certaines modes importées des pays anglo-saxons à forte connotation graphique, dont l’essence est totalement diluée en débarquant en France, par manque de références.
Pour tout dire, même dans un univers professionnel j’ai du me battre pour faire comprendre que non, le design n’est pas une affaire de goût. Non, du vert pour une entreprise qui vend des fruits de mers, ça le fait pas vraiment (même si le patron adore le vert). Non, le flat n’est pas une révolution, le design minimaliste, c’est les années 20.
Pour terminer je crois surtout que le web fait enfin partie de la culture populaire. Non, l’écrasante majorité des sites ne sera jamais fantastique, tout comme l’écrasante majorité des supports de communication autres (imprimés, télés, radios, etc.) ne l’est pas.
L’exigence de qualité ne peut pas s’appliquer à la masse.
10 février 2015
Merci pour ton commentaire, Gaël ! Je réponds en retard mais je réponds quand même :)
Je ne sais pas, j'ai l'impression que c'est souvent une histoire de budget, en mode « faire au mieux, au plus vite »… Pour le coup, n'avoir que deux jours pour créer une charte et une page d'accueil, c'est assez courant, or c'est n'importe quoi !
Oui, et globalement dans nos milieux techniques, le mépris pour tout ce qui ressemble de près ou de loin à de la comm' et au design est tel, qu'il me semble difficile de conseiller nos clients sur ces sujets-là.
Cette phrase me fait pas mal cogiter depuis que je l'ai lue ! Merci d'alimenter cette réflexion :)
4 février 2015
Après les grands maîtres de la peinture il y aura p'têt un jour les grands maîtres du web.
10 février 2015
:)
4 février 2015
Bonjour,
article vraiment intéressant!
Aujourd'hui beaucoup d'entreprise veulent un design qui soit original et sorte du lot, et te demande de faire du flat design… Je n'ai rien contre le flat design mais c'est la seule chose qu'on nous demande en ce moment… A croire que le monde à était lobotomisé par cette tendance. Finalement, je pense que la vraie problématique du design c'est les demandes clients…
Beaucoup on tendance aussi à confondre un design simple et efficace avec Flat design, et ce n'est pas du côté des sites à fort trafic qui vont nous aider…
Je me suis carrément retrouvé dans la partie "Un champ sémantique révélateur" je crois que j'ai eu le droit a tous les termes de cette section, j'ai aussi eu le droit a peintre en bâtiment, expert PPT (je n'ai jamais touché à cette chose), ou généralement prédestiné à la redisposition des bureaux … et je trouve que le pire milieu pour nous reste l'entreprise à forte présence de dev back, qui pour eux on est plutôt "un gadget de marketeux" relégué au même rang qu'un photocopieur ou d'une agrafeuse…
Quand j'ai claqué la porte de ma précédente entreprise, je me retrouve devant la "Méconnaissance et mépris" des employeurs… depuis un certain temps je regarde les offres d'emploi… Je trouve qu'aujourd'hui on demande énormément à un graphiste / webdesigner / UI : créer des interfaces, savoir les intégrer, maitriser HTML, CSS et javascript, avoir des connaissances en SEO, maîtriser adobe incluant flash, être UX, savoir faire des prototype, être un illustrateur, connaitre la chaîne du print, maitriser power point, savoir faire un bon café,… et j'en passe. Certaine de ces connaissances font partie de notre taff et il faut les maitriser. Mais au même titre qu'on ne demandera jamais à un boulanger d'être charcutier même si les deux compétences son requise pour un bon sandwich jambon beurre il ne faut pas exiger à un graphiste/ webdesigner / UI de faire le travail de 5 personnes.
Rare sont les entreprises où, on peut faire de la conception d'interface… Puis généralement sur 10 offres d'emploi publier 8 sont des stages, 1 un contrat pro et 1 un CDD ou un CDI… puis si jamais je demande plus de 30k par an, je passe pour être trop gourmand…
Finalement quelle solution s'offre à nous en entreprise ? Devant tant de méprise et de manque de reconnaissance? Aujourd'hui soit, tu suis la tendance soit, tu passe pour un artiste mal-embouché, un marginal dont peu d'entreprise/client voudront…
10 février 2015
Salut Jiyong !
Merci pour ton long commentaire, que je trouve très intéressant. Il en émane une pointe de lassitude…
Tout à fait d'accord avec toi. Comme nos métiers sont immatériels, peut-être donnent-ils l'impression d'être « plus faciles », « plus simples », « moins nobles » que celui d'un boulanger ou d'un charcutier ?
Après, on peut relativiser un peu : il est très fréquent que les professionnels du web soient des autodidactes qui ont rarement une seule corde à leur arc, et les annonces reflètent ça aussi.
Au vu de ce que tu révèles de ta situation et de ton vécu, je peux comprendre ton pessimisme.
Pourtant, il reste tellement de choses à faire, peut-être dans des sociétés plus petites, où les postes sont certes plus polyvalents, mais où on est plus impliqué, stratégiquement ?
4 février 2015
Merci pour ton article et ta réflexion, c'est un sujet qui me préoccupe également ces derniers temps....
Confondre le métier de graphiste avec "artiste" m'horripile au plus au point. J'ai moi-même fait un bac L arts plastiques il y a quelques années par préférence et c'est justement ce fossé entre art et design (= création à vocation d'être utilisée et/ou vendue) qui m'a fait à l'époque refuser de m'engager vers un BTS design (bien des choses ont changé depuis). Un artiste créé selon son idée et les concepts qu'il met en place. Un designer créé selon des contraintes marketing, utilisateur, de fabrication,... ce qui est totalement différent!
Le design web devient de plus en plus fonctionnel, car les habitudes de "consommation web" se diversifient beaucoup. Pourtant au tout début, des contraintes il y en avait plus qu'aujourd'hui, où les possibilités créatives sont de plus en plus démentes.
Pourquoi se plaindre de ces contraintes fonctionnelles ? Par exemple pour concevoir un fauteuil, il ne viendrait pas à l'idée d'un designer de se plaindre de lois de la gravité ou de la représentation standard que l'on s'en fait à savoir un dossier une assise et quatre pieds. Et pourtant ça n'a pas empêché certains d'en concevoir des totalement loufoques, repoussant les limites de la faisabilité!
Pour moi il y a deux principaux problèmes: des designers qui se plaignent de ne plus pouvoir être créatifs car leurs "habitudes" ont changé. Eh oui Flash se meurt, mais il y a le SVG, le Canvas, et le CSS bien sûr ! Travailler dans le web c'est accepter ces changements, apprendre continuellement, je pense que vu la jeunesse du milieu, certains n'ont pas encore intégré cette notion...
Le deuxième problème c'est l'uniformité des design actuels, la fainéantise surtout qui consiste à copier uniformément les éléments du moment qui ont fait leurs preuves: full-background, boutons flat, menu "hamburger"... Ca doit bien faire 2-3 ans que je suis blasée devant pas mal de galeries de webdesign sans âmes. Et pourtant j'adore le minimalisme. Mais pas quand il est utilisée à outrance et pour de mauvaises raisons (j'appelerais ça l'effet "Comic Sans" ou "Lobster").
La meilleure chose à faire à mon sens pour les designers c'est rester au courant de ce qui se fait dans le web, et tout comme tu le dis, se cultiver dans les autres domaines pour rester créatif. Le web est un domaine tellement jeune qu'il a besoin d'être nourri par des cultures plus anciennes, le graphisme, le cinéma, l'art, l'architecture ... Puis aussi arrêter de blâmer ses semblables et au contraire, leur montrer qu'on peut être plus créatifs avec les mêmes contraintes ;) Sans contrainte pas de créativité !
10 février 2015
Salut Adeline !
Merci beaucoup pour ton commentaire, très intéressant !
Ouais, tout à fait. Les différences entre les divers navigateurs existent toujours mais commencent nettement à se réduire. Il y a encore deux ou trois ans, il n'était pas rare qu'on doive encore assurer une compatibilité IE6 – ce n'est désormais plus qu'un lointain souvenir !
Ce sont justement parce que les éditeurs prennent en compte les standards et les implémentent assez rapidement que le web se modernise à grande vitesse.
Il y a des effets de mode, c'est évident. Bien souvent, les clients eux-mêmes nous envoient des URLs concurrentes dont ils veulent copier le design, ça fait limite partie du brief créa !
Donc je nuancerais un peu le côté « fainéant », globalement je n'aime pas ce mot, je ne le trouve jamais justifié dans le domaine pro : certes, on n'est pas toujours au top, mais il faut voir le paquet de contraintes derrière. Difficile de généraliser.
Maintenant, pour ce qui est des sites qui se ressemblent tous : je crois que cette impression provient aussi du fait que le web est un outil qui s'est démocratisé, ainsi que ses outils : n'importe qui aujourd'hui peut créer un compte sur WordPress.com, acheter un nom de domaine et un thème, et modifier deux-trois couleurs.
Il y a cette part d'amateurisme très présente qu'on n'a pas encore dépassée.
Mais je ne compare pas ça du tout aux travaux de web design réalisés dans des agences professionnelles ; on n'est pas sur le même niveau.
Tellement d'accord avec toi !
Et l'art, alors ? :)
4 février 2015
Je crois qu'un premier point serait de laisser définitivement tomber ce terme de "contraintes techniques" pour quelque chose de plus positifs. Contrainte revêt un aspect négatif, évoque quelque chose de lourd et difficile. Quand on me dit "contraintes accessibilité" je sors les dents... Enfin non, je reformule en "règles, normes, standard". Alors, reformulons (par contre, je n'ai pas d'idée là sur le coup)
10 février 2015
Merci Nat pour ta remarque, très juste !
Je ne m'étais même pas rendue compte de ça… o.O C'est assez révélateur, je trouve !
15 février 2015
On pourrait parler de « cadre », de « périmètre » au sein duquel il y a des « possibilités ». Cela dit, désigner tel ou tel mot comme négatif ou positif et souhaiter l'éluder par un vocabulaire « neutre » ou forcément positif, là ça me dérange beaucoup aux entournures. Je n'ai pas lu 1984 mais j'ai l'impression qu'on dérive dans cette direction (de l'autorisation d'utiliser certains mots et de leurs signification désignée politiquement, unilatéralement). « Contrainte accessibilité/technique » ne me dérange pas, au même titre qu'en architecture on parle de « contrainte des matériaux ». Toutes les formulations sont possibles, l'important est de se comprendre les uns les autres.
4 février 2015
Pour commencer un grand merci !
Merci d'avoir pris le temps de poser les choses et de nourrir une réflexion.
Le web s'industrialise soit, et alors ?
C'est une évolution naturelle de part la place qu'il prend au quotidien.
Doit-on clamer que c'était mieux avant ? Je ne le pense pas.
Est-ce une excuse valable pour se cantonner à dupliquer des "recettes" ? Là aussi je ne le pense pas.
D'autres secteurs se sont industrialisés et on ne peut pas dire qu'ils manquent de créativité et d'innovation. Je pense à l'industrie automobile ou à l'architecture, des domaines où les normes/règles/standards/contraintes sont bien plus importantes que sur le web.
Je considère que nous autres "artisans du web", nous avons une responsabilité sur nos productions.
Comme tu le décris très bien, il est difficile de "convaincre" le client de sortir de sa zone de confort.
C'est naturel, ce n'est pas son milieu, il veut de l'innovation mais dans la continuité :)
Dans certains milieux on appelle ça le "pas de couilles, pas d'embrouilles".
C'est notre métier, à nous autres Designers, de proposer autre chose, d'expliquer, d'écouter, de reformuler, de proposer et d'expliquer encore.
Sur la mauvaise compréhension de notre rôle, je constate que toi et beaucoup de nos confrères que peu de monde sait ce que fait un Designer.
Même dans les agences "web". Beaucoup de confusions et d'amalgames.
On ne peut blâmer personne puisqu'on est pas foutu de s'entendre sur une définition simple.
Personnellement je commence tous mes cours par cette définition métier, elle conditionne tout le discours.
C'est extrêmement simple et il suffit de traduire les termes anglais.
Webdesigner = Concepteur Web
Pas graphiste, pas DA, pas développeur, pas intégrateur.
Ne confondons pas la polyvalence de certains profils avec la définition du métier.
Enfin tout ça pour dire que tu n'es pas seule à défendre cette position.
Encore merci pour cet excellent article Marie.
17 février 2015
Salut Olivier !
Merci pour ton commentaire, ravie de continuer la réflexion avec toi.
C'est vrai, mais ce sont des industries plus anciennes que le web, qui est un encore un ado, historiquement.
Lorsque les vieilles recettes de la pub par exemple sont transposées sans réflexion sur le web (je pense au secteur du luxe), on voit bien que ça ne fonctionne pas, et que ça n'est pas compatible avec les exigences techniques de ce média particulier.
Je pense qu'il faut aujourd'hui des experts du web, qui soient à la fois très à l'aise techniquement, qui aient une très bonne compréhension des normes techniques en vigueur sur le web, mais qui soient également capables de parler le langage de nos clients, qui aient suffisamment de culture pour penser des solutions innovantes, capables de relayer les objectifs de leur marque.
La seule compétence technique ne peut pas suffire, tout comme la seule compétence « pub » et design ne peut pas suffire non plus. En tout cas, il faut des pros capables de comprendre et d'atteindre le meilleur des deux mondes.
Je veux croire que ça commence à venir ! :)
Je comprends ton raisonnement ; traduire littéralement « web designer » par « concepteur web » me paraît logique.
Cependant, dans l'usage courant, on n'utilise pas ces termes dans ce sens-là.
Je vais t'épargner une grosse tartine langagière ; j'écris depuis deux semaines (!) une série de billets faisant suite à cette réflexion sémantique sur les nouveaux métiers du web. On aura donc l'occasion de reparler de tout ça à ce moment-là :)
Encore merci !
5 février 2015
Je suis loin d'être une "designeuse" mais dès le départ de mon apprentissage des codes HTML etc, j'ai été sensible aux normes d'accessibilité, et ton article (très bien écrit!) m'a fait plaisir à lire! Bonne continuation!
17 février 2015
Chouette ! Merci Laetitia !
Par curiosité, est-ce que l'accessibilité est une notion qui t'a été enseignée pendant ton cursus, ou bien est-ce quelque chose à laquelle tu t'es sensibilisée toute seule, de façon autodidacte ?
5 février 2015
Merci pour cet excellent article !
Tu poses en effet les bonnes questions et appuies également là où ça fait mal comme il faut. En effet tous les acteurs du web ont une responsabilité vis à vis de cette profession toujours mal connue et qu'il convient d'expliquer et de ré-expliquer encore à nos interlocuteurs (clients mais également agences...).
J'appuierai encore plus sur un point capital à savoir les budgets des clients. Je pense particulièrement aux TPE ou PME qui constituent l'essentiel du marché.
En effet aujourd'hui tous les clients souhaitent "Un site que je peux gérer moi-même, WordPress ce serait super", "Un design vraiment sympa, et si tu peux refaire mon logo c'est top", "Il faut absolument qu'il soit optimisé pour les mobiles et tablettes", "Pour ce prix tu me fais le référencement j'espère ?" ... et j'en passes... et bien entendu le budget est dérisoire.
Et c'est bien là que se situe la problématique. Comment offrir à ces clients une prestation originale et de qualité pour des petits budgets, tout en répondant à toutes les contraintes techniques actuelles, et en restant fier du travail fourni... Pas simple tous les jours :)
Merci encore, bonne continuation.
17 février 2015
Merci pour ton retour, Sébastien ! En effet, la question du budget est centrale dans cette problématique.
5 février 2015
Très intéressant billet Marie, merci.
J'aimerais juste expliquer comment j'interprète, à tort peut-être, il ne manquera pas de me le dire ;), la réaction de Julien alias Yamo.
Le design ne peut pas réellement exploser sur le Web à cause d'une exécrable prise en compte des standards existant par les différentes sociétés qui détiennent les rênes dans ce domaine, à savoir celles qui développent les différents logiciels permettant d'afficher les pages du Net sur nos divers écrans.
Il n'y a pas deux navigateurs qui interprètent les standards déjà définis de manière identique et la liste des outsiders, avec leurs propres règles, s'est encore élargie avec l'arrivée des tablettes et des smartphones.
Le jour où toutes ces sociétés décideraient enfin de développer un noyau open source qu'utiliseraient systématiquement tous les logiciels qu'elles développent pour afficher des pages Web, alors et seulement alors, il serait enfin possible de se consacrer pleinement au design, qu'il soit graphique ou d'interface utilisateur.
Comme ce jour n'arrivera probablement jamais, il va nous falloir continuer à travailler dans une relative médiocrité en faisant des impasses sur certains publics ou bien en restreignant fortement notre créativité afin de pouvoir rester accessibles à la quasi totalité des internautes.
En clair, nous sommes tributaires des politiques économiques de ces sociétés qui vont souvent à l'encontre les unes des autres.
Mais nous sommes aussi coupables, pas individuellement mais en tant que population d'internautes, de ne pas choisir de dire non à cet état de fait, par exemple en décidant en bloc de ne plus utiliser qu'un seul navigateur comme Firefox (qui est n'est a priori pas guidé par la recherche du gain) jusqu'à ce que tous les intervenants du marché acceptent de développer un noyau commun.
17 février 2015
Salut Frémo !
Merci d'ajouter ta pierre à l'édifice. :)
Je ne suis pas d'accord avec toi ; les principaux navigateurs sur le marché n'ont jamais eu un rendu aussi proche les uns des autres.
Si on fait exception des vieilleries telles que IE6 et IE7 (cela fait un bon bout de temps que je n'ai plus eu à intégrer pour eux, personnellement), mais aussi IE8 qui, s'il fait encore souvent partie du scope navigateurs requis par nos clients, est clairement l'anomalie aujourd'hui, on réussit plutôt à bien s'en sortir pour le reste.
Les standards n'ont jamais été aussi bien implémentés qu'aujourd'hui ; l'accélération des mises à jour d'un Firefox et d'un Chrome prouvent bien que l'évolution technologique est en pleine ébullition.
Tu aurais des exemples précis ?
Je pense quant à moi qu'il est possible de créer des designs badass qui soient accessibles à tous. L'utopie c'est de délivrer exactement la même expérience à tous, même dans des navigateurs anciens (ce que permettait, dans une certaine mesure, Flash).
C'est pourquoi il faut penser en terme d'adaptation : dégradation élégante, ou amélioration progressive. Et, là encore, c'est aux designers de penser cette adaptabilité.
Le web est une pâte à modeler ; il faut juste l'utiliser à bon escient.
18 février 2015
Salut Marie,
merci d'avoir pris le temps de répondre. :)
Si on fait exception des vieilleries telles que IE6 et IE7 (cela fait un bon bout de temps que je n'ai plus eu à intégrer pour eux, personnellement), mais aussi IE8 qui, s'il fait encore souvent partie du scope navigateurs requis par nos clients, est clairement l'anomalie aujourd'hui, on réussit plutôt à bien s'en sortir pour le reste.
Le problème est bien là : les vieilleries, comme tu les appelles, existent toujours et, dans le secteur des PME et de l'industrie, ces vieilleries sont toujours de la partie.
Et quand tu dois faire du site B2B tu ne peux pas totalement faire l'impasse dessus.
Tu aurais des exemples précis ?
Un exemple tout simple : certains de mes clients, un bon tiers je dirais, ne veulent pas que je leur envoie des fichiers par WeTransfer car l'interface utilisateur de ce site ne s'affiche tout simplement pas correctement chez eux.
Il faut comprendre que, dans beaucoup de moyennes et grosses sociétés, les postes de travail sont totalement bridés par le SI, ainsi les utilisateur ne pourront ni installer un navigateur différent de celui qui a été installé sur leur machine ni même, parfois, mettre à jour ce navigateur vers une version plus récente car ils ne disposent d'aucun droit d'administration.
Alors c'est vrai que quand on travaille pour du B2C on a beaucoup plus de marge de manœuvre, étant en droit de penser que les consommateurs aiment s'équiper des dernières technologies. Dans ce cas précis j'abonde pleinement dans tons sens. :)
C'est pourquoi il faut penser en terme d'adaptation : dégradation élégante, ou amélioration progressive. Et, là encore, c'est aux designers de penser cette adaptabilité.
Ici encore je suis d'accord, à la seule condition que le client dispose du budget nécessaire.
Lorsque ce n'est pas le cas et qu'il exige quand même une compatibilité avec les vieilleries, ça se fera malheureusement toujours au détriment de la créativité, quelles que soient les compétences du designer car il faudra fortement brider l'étape d'intégration...
8 février 2015
C'est le long débat du Flash VS HTML5…
La créativité du web n'est plus aussi extraordinaire qu'il y a 15 ans. Il devient difficile de sortir du lot en proposant une solution efficace, nouvelle, avec une bonne ergonomie et une compatibilité parfaite.
17 février 2015
Salut Ben !
Je serais bien curieuse de voir les exemples de sites « extraordinaires » d'il y a 15 ans auxquels tu fais référence, et dont le niveau serait tel qu'on ne pourrait pas l'atteindre aujourd'hui avec les technos actuelles ;-)
15 février 2015
Merci pour cet article de fond, intéressant pour nos métiers, j'ai apprécié les arguments des différents commentaires, je ne vais pas surenchérir, mais il faut juste comprendre que le web est rentré dans un nouveau paradigme et c'est devenue un industrie, avec toutes les conséquences que cela présente, je suis désolé pour ceux qui se sentent en mal de création, mais je suis confiant sur la capacité de nos créatifs à s'adapter à ce nouveau process industriel tout en gardant leur capacité créative.
Pour info, j'ai moi même publié un petit billet sur mon blog : lc.cx/RdM
17 février 2015
Merci pour le lien, Olivier !