Ce billet fait suite aux billets Histoire d’une conférence : la préparation et Histoire d’une conférence : le jour J.
Si vous l'avez loupé, le contenu intégral de ma conférence est en ligne. :)
Ça fait déjà trois semaines que Paris Web a eu lieu. L’euphorie commence à retomber et la routine reprend doucement le dessus.
Mais j'ai quand même envie de partager d'ultimes émotions et réflexions paris-wébiennes avec vous !
Les sciences sociales sont nos amies
Contre toute attente, cette conférence a eu le mérite de me réconcilier avec mes études en sciences sociales.
Elle m’a permis de me replonger dans mes cours de socio, de sémio et d’anthropologie, et m’a fait prendre conscience de la valeur de tout cela.
C’est en faisant des recherches pour ma conf' que je me suis rendue compte à quel point les enquêtes de terrain et les entretiens que j'ai pu faire par le passé ont été formateurs, ainsi que mes lectures, la rédaction de mes deux mémoires ainsi que les innombrables exposés que j’ai dû faire.
Émettre des hypothèses, constituer une bibliographie, établir une grille d’analyse, poser des questions, retranscrire les entretiens, décrypter les écrans, présenter les résultats… Tout cela m’a servi non seulement à défricher le sujet dont j’allais parler, mais aussi à faire des choix en matière de présentation.
Au mois de mars, j’ai aussi réalisé une carte heuristique (mind mapping), sur les conseils de Vi dans son livre Petit précis de créativité :
Cette carte m’a aidée à comprendre que le sujet était bien plus vaste que ce que j’avais imaginé de prime abord, et que je n’arriverais pas à parler de tout le jour J. Cela m'a donc permis de choisir l'axe de ma conférence.
L’autre truc qui m’a beaucoup aidée à affiner mon sujet, ça a été d’en parler autour de moi.
Je n’irai pas jusqu’à dire que j’ai mené des entretiens, mais présenter mon sujet à un échantillon de personnes, voir leurs réactions et entendre ce qu’elles avaient à dire à ce propos m’a vraiment aidée à mieux cadrer la problématique de mon sujet.
En un sens, cette conférence m’a permis de voir un lien entre méthodes de recherche en sociologie, et méthodes de recherche UX. Ça m’a d'ailleurs donné envie de me remettre à lire des bouquins liés à la sémio. En haut de ma liste : Gérard Genette, Anne-Marie Christin, Umberto Eco, et même du Mallarmé et du Georges Perec.
Parfois, c’est comme ça, les astres s’alignent et plusieurs de tes centres d’intérêt se recoupent soudain. C’est fascinant de percevoir tous leurs points communs. Mon parcours m'a toujours semblé alambiqué et chaotique, mais aujourd'hui je réalise que tout n'est pas si incohérent que ça.
Se mettre à la place du public pour lui offrir quelque chose d'utile
Quand vous êtes sur le point de parler en public, il y a un conseil que tout le monde vous donne : « Imagine que les gens qui t’écoutent sont à poil ! »
…
Pour avoir essayé, je peux vous dire que ça ne fonctionne pas, mais alors pas du tout.
En revanche, un truc qui aide vraiment, c’est de se demander de quoi a besoin ce public-là. Pas n’importe quel public, non : le public précis qui va se tenir devant vous le jour J, qui participe à cet évènement-là, et qui fait la démarche de venir vous écouter vous, sur ce sujet-là.
Imaginer les motivations de chaque personne présente, les raisons qui l’ont fait choisir d’écouter cette conférence-là, imaginer les questions qu’elle se pose professionnellement, tenir compte de ses références socio-culturelles, tout cela m’a aidée à concevoir ma conférence.
Je pense que si je devais la donner ailleurs, je ne redirais pas forcément la même chose. Le socle serait le même, mais j'essayerais a minima d’adapter les exemples en fonction de l’évènement et des personnes qui viendraient m’écouter, par exemple.
(Du reste, dans la mesure où ma conf’ a été filmée, je ne vois pas trop l’intérêt de la donner à nouveau.)
Pour convaincre, il faut choisir de bons exemples
Quand on traite de près ou de loin du « personal branding », le premier réflexe est souvent de se référer à ce qui se fait outre-Atlantique.
Pourtant, dans ma conf’, je n’ai pas voulu citer d’exemples de sites web américains.
Certes, avoir conscience de ce qui se fait ailleurs est nécessaire, et l’ethnocentrisme est en général aliénant.
Maintenant, de la même façon qu'une couleur n’a pas la même signification en Europe qu’en Asie, un·e Français·e ne parlera pas de soi de la même façon qu’un·e Américain·e.
En France, on n’a pas cette culture du « self-made man » ou de la « self-made woman » : au contraire, celui ou celle qui réussit du jour au lendemain éveille le soupçon plus qu'autre chose.
Lorsqu’un designer partage régulièrement son travail, on a tendance à se moquer de lui : on le traite d’égocentrique, de prétentieux voire de narcissique. Il n'est pas rare que le mot « auto-promo » fuse : or, dans notre milieu, c'est une sentence stigmatisante qui se répand comme une traînée de poudre et dont il est difficile de se défaire ensuite.
Il fallait donc que je trouve des exemples dénués de tous ces sous-entendus-là, des exemples qui soient proches des personnes qui allaient m’écouter (ou me lire). Je voulais montrer des choses existantes, réalisables par la majorité des personnes présentes dans la salle.
L’idée n’était pas de dire : « Voici la seule façon de faire les choses, faites comme ça ! » Mais plutôt : « Voici quelques exemples inspirants ! Vous voyez, c'est possible de parler de soi de façon humble et créative. Mais ne copiez pas ce que font les autres : trouvez votre propre langage ».
Troquer sa propre angoisse contre la bienveillance des autres
J’ai longtemps cru que l'adage « Mieux vaut être seul que mal accompagné » avait été écrit pour moi.
Pourtant, cela fait cinq ans que Paris Web donne chaque année un grand coup de pied au cul de ma misanthropie et de mon goût immodéré pour la solitude.
Pour commencer, avant même l’évènement, j’ai été encouragée et soutenue dès que mon sujet a été retenu, au mois de mai dernier. Déjà à ce moment-là, je n’en revenais pas de voir tant d'engouement pour ce sujet.
Ensuite, plus la date fatidique s’approchait, plus j’étais dans mes petits souliers, et plus je tweetais mon angoisse, en ponctuant mes messages du hashtag #cacamou.
Partager ce stress en public de façon ponctuelle était une façon de soulever le couvercle de la cocotte-minute. C’était une sorte d’exorcisme par anticipation.
Je ne le faisais pas pour que les autres me plaignent ou m’encouragent ; j’avais juste besoin de dire ce stress pour tenter de m’en débarrasser un peu.
Et pourtant, à chaque fois, les autres me recouvraient de leur bienveillance et de leurs encouragements.
Je sentais un soutien sans faille autour de moi, non seulement de la part de mes proches, qui savaient à quel point cette conférence me rendait malade, mais aussi de la part de « copaines » du web, plus ou moins proches de moi.
Et cette profusion de bonnes ondes a continué même après ma conférence. C’était dingue.
Trois semaines plus tard, je n’en reviens toujours pas de la puissance de ce partage émotionnel. Sans ce soutien, je pense que je n’aurais pas délivré la même chose.
Être encouragé·e, ça fait vraiment du bien. Et je me rends compte à quel point cela a pu me manquer dans d’autres aspects de ma vie, notamment la création artistique.
J'suis trop contente !
Le mercredi soir, après le dîner orateurs, Étienne et moi rentrions d’un bon pas à l’hôtel. On discutait de notre stress, de nos conférences respectives, des émotions soulevées par tout ça.
À un moment, il m'a dit un truc qui m’a marquée. Tout sourire, il s’est exclamé : « J'suis trop content d’être là ! »
Il l’a dit à plusieurs reprises : « Non mais vraiment, j’suis TROP content d’être là ! »
Et ça m’a fait un bien fou de l'entendre.
J’étais tellement engluée dans mon propre stress que j’avais oublié que, moi aussi, j’étais TROP CONTENTE d’être là, d’avoir cette opportunité en or de défendre un sujet qui me tient à cœur, lors d’un évènement que j’aime et devant des gens que j’adore.
La joie d’Étienne m’a aidée à relativiser et à garder en tête que l’essentiel, c’est l’instant présent ; c’est le fait de le faire, quelle que soit l'issue ; c’est cette rencontre avec les autres ; c’est la confiance qu’on s’accorde mutuellement.
Alors oui : j’ai été TROP contente de donner ma première conférence lors des 10 ans de Paris Web. C’était vraiment génial !
Il y a beaucoup de monde que j’aimerais remercier, à commencer par le staff de Paris Web qui a été une fois de plus extraordinaire.
Merci aussi à vous tous qui m'avez souri, parlé, écrit, écoutée, lue, encouragée, félicitée.
Merci pour les gâteaux, les tasses de thé, les tweets, les emails, les discussions, les MP3, les découvertes, les fous rires, les cadeaux et les câlins.
Et surtout, félicitations à vous qui avez osé publier quelque chose depuis Paris Web, qui avez pris la bonne résolution de donner une conférence l’année prochaine, et qui continuez à publier des contenus de qualité sur vos blogs, en dépit de la pression des réseaux sociaux.
Continuez à partager ! Je vous lis. Je vous vois.
De mon côté, je n’en ai pas tout à fait terminé avec le design de soi. Ce billet clôt un chapitre, certes, mais pas le livre. Je continuerai à étudier ce sujet d’une manière ou d’une autre !
Le succès est aussi dangereux que l’échec. (…)
Que tu montes ou descendes l’échelle,
ta position est instable.
Lorsque tu as les deux pieds sur le sol,
tu gardes toujours ton équilibre.
23 octobre 2015
Une belle conclusion pour une belle expérience :)
Merci pour ton partage, ça m'a beaucoup touchée et surtout ça m'a donné envie de sauter le pas d'écrire des articles et de donner des conf malgré mon côté introverti.
24 octobre 2015
Merci Mylène ! J'ai toujours lu tes articles de blog avec intérêt :)
23 octobre 2015
Well done Marie ;-)
24 octobre 2015
Merci ! ^.^
25 octobre 2015
Je ne sais plus où ni en quels termes j'ai lu cette idée que ce sont justement les projets qui nous donnent la boule au ventre et l'angoisse de les foirer qu'il est le plus important d'entreprendre (cette phrase est maladroite).
Je ne peux qu'applaudir ton courage : l'expérience semble t'avoir apporté tellement de choses que ça me conforte à fond dans cette démarche. Merci à toi de te dépasser ainsi, pour toi mais aussi pour nous qui apprenons tellement de ton partage !
3 novembre 2015
Ouais, c'est très vrai. Mais ce n'est pas toujours facile. Tu vois, j'aimerais prendre des cours de dessin et/ou de gravure, mais pour le moment je n'ose pas :( J'ai peur d'être à la ramasse, de ne pas savoir faire, d'être le boulet du cours…
Ce qui est complètement débile vu que, justement, les cours sont là pour apprendre.
Je me dis, un défi à la fois. Monter sur scène (je ne t'apprends rien !) est une étape importante, surtout quand on est introverti·e. Au fond, je sens que cette expérience m'aide à aller davantage vers les autres, et à accepter ma vulnérabilité, sans la protection bien commode de mon écran.
Qui sait, peut-être qu'à la longue, ce genre de défi, si je poursuis l'effort, me donnera suffisamment confiance en moi pour oser prendre des cours de dessin ! ;-)
Merci Eli !