La linguistique, la sémiologie et l’anthropologie sont les trois disciplines que j’ai préférées pendant mes études. Elles m’ont offert des clés pour déchiffrer le sens caché des choses… et des mots.
Les mots sont puissants : ils disent, signifient, sous-entendent, expliquent, démontrent, soignent, apaisent, excitent, inspirent.
Mais les mots peuvent aussi contredire, contre-argumenter, embrouiller, contrarier, ulcérer, dénoncer, blesser, accuser, condamner, voire tuer (« Qu’on lui coupe la tête ! », dit la Reine de Cœur dans Alice aux pays des merveilles).
Les mots constituent un protocole faillible, parce qu’ils n’ont pas tous le même sens ni la même valeur à nos yeux. C’est le cas notamment lorsque de nouveaux mots font irruption dans le langage courant : il nous faut un certain temps avant de les apprivoiser puis de les domestiquer.
Autour de moi, j’ai constaté que les mots utilisés pour qualifier les métiers du web sont loin de faire l’unanimité : le nom et la définition de tel ou tel métier varie d’une définition, d’un individu, d’un groupe, d’une entreprise et d’un pays à l’autre.
Vous aurez du mal à trouver deux personnes qui définiront ce qu’est un intégrateur web de la même façon, par exemple. Et que dire encore de la valeur que chacun accorde à tel ou tel métier ? Pour certains, être intégrateur est une fierté. Pour d’autre, c’est un poste inutile. On est bien loin d'un consensus.
Pourtant, il faut bien qu’on réussisse à se définir. Alors, on fait comment ?
Entre
Ce que je pense
Ce que je veux dire
Ce que je dis
Ce que vous avez envie d'entendre
Ce que vous croyez entendre
Ce que vous entendez
Ce que vous avez envie de comprendre
Ce que vous croyez comprendre
Ce que vous comprenez
Il y a dix possibilités pour qu’on ait des difficultés à communiquer.
Mais essayons quand même…
Faire évoluer notre langage commun
Éthnocentrisme
Lorsque nous avons proposé, Vincent et moi, l'ébauche d'une fiche de poste « designer front-end » en février dernier, cela a soulevé de très nombreuses réactions, des plus bienveillantes aux plus outrées – certains allant même jusqu’à nous insulter.
Six mois plus tard, j’ai eu le temps faire décanter tout ça. Je voudrais partager avec vous le fruit de mon analyse, et vous inviter à réfléchir avec moi à l’importance des mots dont nous nous servons tous les jours pour qualifier notre travail.
Nos titres et autres dénominations n’ont sans doute pas beaucoup d’importance entre nous, car nous, nous savons que nous sommes tous des moutons à cinq pattes. Je conçois qu’entre nous, le besoin d’apposer un sceau en cire qui dit « développeuse web », « directeur artistique » ou « intégratrice » sur le visage de nos consœurs et confrères du web semble un peu artificiel.
Le web francophone est un petit milieu : on finit vite par se connaître les uns les autres, ne serait-ce que de réputation ; on connaît, dans les grandes lignes, leur spécialité. Bref, on arrive à se situer, sinon par nous-mêmes, du moins par rapport aux autres.
Dans ces conditions, pourquoi diable relancer l’éternel débat des dénominations ? Ne sommes-nous pas tous « concepteurs web » ?
La plupart des personnes avec qui j’ai essayé de discuter linguistique du web m’ont ri au nez, ajoutant que « Pfff, on s’en branle des étiquettes ! ». Mais personne ne m'a fourni d'argument solide justifiant pourquoi, au juste, on devait précisément « s’en branler » (sic).
Pourquoi des mots que nous utilisons au quotidien, et dont nous bardons notre CV, notre blog, notre portfolio, nos cartes de visite et notre profil LinkedIn, ne pourraient-ils pas être sujets d’étude ?
Par ailleurs, pourquoi ces mots-là ne pourraient-ils pas évoluer ?
Enfin, pourquoi nous pourrions-nous pas adopter de nouveaux mots pour qualifier ce que nous faisons aujourd’hui ?
Du reste, il ne s’agit pas d’« étiquettes », mais bien d’un moyen objectif et non péjoratif de définir nos compétences.
Après avoir gratté un peu, je me suis rendu compte que questionner ces mots-là, c’est questionner notre rôle social. C’est questionner notre travail, notre hiérarchie, nos compétences et, bien sûr, nos revenus. La question est donc loin d’être anodine.
Pragmatisme
Nous avons besoin de nommer et de catégoriser les choses pour mieux les appréhender. En ergonomie, la théorie de la Gestalt stipule que réunir des éléments présentant des ressemblances permet à l’utilisateur de mieux comprendre l’ensemble.
Il en va de même pour les métiers du web.
À l’instar de la myriade de technologies et d’outils employés pour bâtir le web, qui ont chacun un nom bien précis, nous avons besoin de mots pour qualifier nos métiers, et les distinguer les uns des autres.
Car, même si nous sommes mus par des valeurs communes (et encore…), nous ne faisons pas tous le même métier.
Se comprendre entre nous est une chose, mais nous devons aussi trouver un langage commun pour faire comprendre nos métiers à toutes les personnes aux métiers périphériques aux nôtres : collègues, managers, recruteurs, chargés et directeurs des ressources humaines notamment.
Adopter une terminologie collective est important car cela a en effet un impact direct sur les barêmes et grilles de salaires, sur les échelons et sur les négociations auxquels chaque titre donne droit, mais aussi sur notre reconnaissance sociale. (Si vous n’êtes pas convaincu·e, jetez donc un œil aux écarts de salaires entre un intégrateur et un développeur : vous verrez que le poids des mots et la valeur qui y est rattachée sont réels.)
Allergie anti-étiquette, branlette et paillettes
Nous disposons certes déjà d’un langage commun ; mais celui-ci a besoin d’évoluer. En proposant d’adopter le terme de « designer front-end » pour qualifier un profil professionnel devenu courant – une personne aussi compétente en conception graphique pour le web qu’en intégration –, nous nous sommes pourtant heurtés à une sacrée levée de boucliers.
En effet, il semble que toute évolution de la terminologie des métiers du web se heurte instantanément aux allergies anti-étiquettes, anti-conditionnement et anti-silos.
On peut en effet penser que l'être humain est si riche qu’un seul mot ne peut réussir à le décrire tout entier.
On peut aussi reconnaître que toute démarche de définition et de classification se heurte aux éléments à la marge : que faire de ceux qui rentrent dans plusieurs cases ? Que faire de ceux qui n’entrent dans aucune d'entre elles ?
Enfin, on peut aussi penser que nos métiers requièrent désormais tant de polyvalence qu’aucun mot ne réussira jamais à rendre compte de l’ampleur de notre activité.
C’est peut-être vrai.
En attendant, ces arguments ont été surtout scandés par ceux qui, parmi nous, se considèrent au-dessus d’un débat qui, puisqu’il n’est pas le leur, relève forcément de l’idiotie branlatoire, témoignant ainsi de la si haute opinion qu’ils ont d’eux-mêmes et de leur statut, autrement plus important que le nôtre, simples mortels.
Quoi qu’il en soit, en proposant une réflexion sur le titre de « designer front-end », notre objectif n’était pas du tout de « convertir » qui que ce soit à l’adoption de ce nouveau vocable, mais, d’une part, de poursuivre la réflexion amorcée par Brad Frost et relancée par STPo, et, d’autre part, de voir comment on pouvait transposer ce nouveau profil à nos conditions de travail actuelles.
Do what thou wilt shall be the whole of the Law
Aussi, rassurez-vous : vous êtes absolument libre de vous définir et de vous décrire comme bon vous semble.
Vous avez le droit de vous appeler designer graphique, intégratrice web, UX designer, obsédée visuelle, technical angel, web ninja, développeur web guichet et arrière-guichet, concepteur-développeur, félin pythonneux, creative front-end developer, styliste des Internets, DA jaune, pourpre, parabolique et vice et versa, intégraphiste, développeuse full-stack Java/JEE, mangeuse de kiwi, design jedi, Lady Gaga du web, intégrâleur, magicien vaudou des ordinateurs, web & UI designer, chef de projet digital, growth hacker, ergonome, ministre des licornes, lead développeuse et responsable TMA, graphiste et webdesigner, intégrateur du dimanche, architecte d'information, développeuse web en surchauffe, prostipapéticien de l'IT, designer ès web, exploratrice webmatique, web alchimiste et même boucher-charcutier si ça vous chante.
Vous avez aussi le droit de ne pas vous définir et de décrire simplement ce que vous savez faire sans choisir de titre précis.
Et vous avez aussi le droit de faire ce que vous voulez sans attendre que quiconque vous donne la permission.
Ouf !…
(Par contre, ne faites pas comme António Pratas : ne dites pas aux autres ce qu'ils sont ou ne sont pas. C'est extrêmement malpoli.)
Dire, c’est faire
Concrètement, c’est quand on se lance à la recherche d’un nouvel emploi, ou quand on veut évoluer professionnellement au sens large qu'on se pose la question de sa propre dénomination : Comment dois-je me définir ? Comment dois-je valoriser mes compétences ?
Il peut arriver que le titre que vous avez acquis il y a cinq ans ne corresponde plus, ni à ce que vous faites aujourd’hui, ni à ce vers quoi vous avez envie d’évoluer. Il vous faut donc énoncer clairement ce que vous recherchez professionnellement, pour réussir à obtenir votre poste idéal.
Le mot est ici envisagé comme proactif : il devance l’acte.
Si vous avez la chance d’avoir un bon réseau, vous pourrez sans doute vous épargner l’épreuve de devoir rentrer dans une case pour répondre à telle ou telle offre d’emploi, et obtiendrez plus facilement un poste taillé sur mesure, dont vous pourrez choisir vous-même l’intitulé et rédiger les attributions. Tant mieux pour vous, profitez-en !
Pour les autres, le besoin de définir son activité, actuelle et souhaitée, est bien réel.
Si nous ne savons pas nous définir nous-mêmes, il nous sera difficile de faire comprendre aux autres ce que nous faisons et, in fine, d’obtenir effectivement le poste qui nous correspond.
Notre dénomination professionnelle permet de distinguer, de qualifier et de valoriser nos expertises.
Un rôle précis dans une équipe précise
D'autant plus qu'à moins de travailler seul·e dans son coin et de prendre en charge l'intégralité d'un projet web (mayday, mayday !), nous sommes la plupart du temps accompagnés d'autres professionnels dont les compétences complètent les nôtres.
Que nous le voulions ou non, nous avons bel et bien un rôle dans une chaîne de production web, dans une équipe, et dans une entreprise. Ce rôle a un nom : ce n'est peut-être pas celui qui vous plaît, mais c'est comme ça que vos interlocuteurs vous situent par rapport à leur propre travail et par rapport au contexte projet.
C’est pourquoi je ris dans ma barbe quand notre proposition d’adopter un nouveau vocable, qui répond de plus à un besoin réel, se voit taxer de « hiérarchisation des individus » : en entreprise, dans une équipe, vous et moi sommes déjà hiérarchisés, quel que soit le titre que nous portons !
D’aucuns rejettent formellement toute nouvelle division sémantique des métiers du web, estimant qu'il y a actuellement suffisamment de mots pour cela. D’autres vont même jusqu’à rejeter certains mots existants, par exemple celui d'« intégrateur » (encore lui !) : selon eux, ce mot « ne veut rien dire » et serait de toute façon « obsolète », notamment parce qu'il n'existe qu’en français.
À côté de ça, certains affichent une préférence spontanée pour tel ou tel vocable à la mode : en ce moment, c'est « développeur front-end » et « UX designer ». Mais la mode semble être à l’adoption du terme ô combien plus vague de « concepteur web ».
Un mot à ce sujet : on ne peut pas, d’un côté, revendiquer un titre aussi vague que « concepteur web », qui sert de fourre-tout à des compétences très diverses, et, de l’autre, s’étonner de lire des offres d’emploi également fourre-tout, qui attendent de nous de connaître à la fois HTML, CSS, JavaScript, PHP, Flash, C++, le SEO, le community management, le fonctionnement de la photocopieuse et la recette du latte macchiato.
Moins la façon dont vous nommez votre métier sera précise, plus on vous proposera n'importe quoi. Remarque, cela peut très bien être une stratégie : brouiller les pistes pour ne fermer aucune porte, par exemple. Mais je persiste à penser que la quantité ne va pas de paire avec la qualité !
En avant la musique
Je ferai ici un parallèle avec un domaine que j’affectionne particulièrement : la musique.
Dans l’absolu, si nous étions des musiciens, nous pourrions tous nous définir et nous vendre comme « musiciens », même si untel joue de la batterie, unetelle de la basse, et que moi je chante.
Quand nous cherchons un nouvel emploi, à moins de tomber sur l'orchestre idéal qui nous permet de définir nous-mêmes notre rôle, nous sommes contraints de répondre à des offres déjà intitulées : joueur de cornemuse, harpiste, guitariste, homme orchestre…
Rien ne nous empêche de répondre à une offre d’emploi pour un poste de xylophoniste en disant qu’on est « musicien », mais ce qui va intéresser le chef d'orchestre, c’est de savoir si on maîtrise effectivement le xylophone.
À côté de notre CV de « musicien », le chef d'orchestre aura reçu des candidatures de xylophonistes seniors, de lead xylophonistes, de xylophonistes apprentis, de xylophonistes-joueurs de cornemuse, et ainsi de suite.
Est-ce que le terme seul de « musicien » nous discrédite ? Non, pas forcément.
Toutefois, en choisissant de vous décrire comme « musicien » plutôt que « xylophoniste », vous avez déjà fait un choix : vous avez certes élargi la case dans laquelle vous voulez rentrer, mais vous avez empêché autrui de comprendre exactement quelle est votre spécialité.
Outre le titre sous lequel vous allez vendre vos compétences, vont également entrer en ligne de compte :
- votre expérience ;
- votre réputation, bâtie sur ce qu'on peut trouver sur vous sur le web, sur le bouche à oreille mais aussi sur d'éventuelles recommandations ;
- l'entretien, fondamental ;
- un éventuel test.
Ainsi, le titre que vous aurez choisi n'est jamais seul dans la balance. Mais il constitue une bonne entrée en matière, un prétexte facile pour vous contacter et vous proposer quelque chose, alors autant le soigner !
***
NB : ce billet constitue l'introduction à deux autres billets que je publierai bientôt, concernant des mots qui fâchent : intégrateur web, développeur front-end et designer front-end. J'ai hâte de lire vos réactions :)
Edit : la suite de ce billet a été publiée.
15 juillet 2015
Un billet hyper intéressant ! En temps que prof de français et passionnée d'écriture, je ne pouvais que te suivre dans ta réflexion :)
Bon, du coup, je me sens obligée de préciser que, dans les faits, non, les mots ne tuent pas. C'est la personne à qui appartient la main qui tient le couperet, qui donne la mort. L'énoncé a valeur performative*, mais moins que "je le jure" (il n'existe pas d'autre moyen de jurer que de le dire) ou... "Que la Lumière soit", Dieu étant la seule créature à pouvoir tout faire en le disant. Et encore, je le soupçonne d'avoir une autre méthode.
* en fait, je ne crois même pas qu'il rentre dans la catégorie des énoncés performatifs, après vérification.
Mais bref, je suis désolée de m'attarder sur un p**** de détail, je sais bien que ce n'est pas de dont tu voudrais parler.
Ton exemple avec les musiciens m'a paru très pertinent, c'est vraiment un bon argument !
Je pense par ailleurs que ceux qui refusent la discussion autour de la dénomination ne sont de toute façon pas de grands communicants. Ils n'y ont jamais réfléchi et tu les mets en défaut, forcément...
C'est une des raisons pour lesquelles j'avais fini par remplacer "suppléante" par "professeur" sur mon CV : le premier terme insistait plus sur mon côté "remplaçante et remplaçable" tandis que le second, diplôme ou pas, décrit précisément ce que je fais au quotidien. Je pense que dans la tête des gens, ça fait une certaine différence.
23 juillet 2015
Salut Kalys ! Merci pour ton commentaire !
Se trancher la main et faire couler le sang, comme Robin des Bois sur la tombe de son père ? (Hum, désolée.)
Tu as teeellement raison. C’est ce que j’ai identifié aussi.
Je me dis que si ce dont je parle soulève des résistances, c’est précisément parce que ça ne coule pas du tout de source.
Il faut tout questionner, même – et surtout ? – ce qui nous semble « normal », « naturel », « limpide ». On a souvent des surprises.
Sans aucun doute ! Dire, c’est (commencer à) faire. Quand je cherchais mon premier boulot, pareil, je ne mettais pas « débutante » ni « junior ». Je mettais juste « web designer ».
15 juillet 2015
Bonjour kReEsTaL,
ton billet arrive peu après la fin de mes recherches de taff (enfin je l'espère) ! effectivement, je me suis aperçu qu'en tant que webdesigner et intégrateur web, les annonces de taff se font rares, comme des licornes...
Par contre, le nombre de coups de fils que j'ai reçu de la part de chasseurs de tête au sujet de "développeur front-end" depuis le jour où j'ai assigné cette appellation sur des sites d'annonces de taff ! O_O
J'avoues être un peu décontenancé tellement les appellations et les compétences concernées changent à une vitesse ces dernières années. J'ai encore un peu de mal à me définir développeur front-end, tellement le côté "développeur" me semble à des années lumières de ce que je pense être.
Si mon profil est surtout branché "créa" à la base, m
15 juillet 2015
Oups la suite...
Si mon profil est surtout branché "créa" à la base, ma passion pour l'aspect technique de l'intégration ne fait que grandir. Mais qu'il est peu confortable de devoir revendiquer un métier dont les contours sont aussi fixés que sa nomination !
Au fond je pense que j'ai bien mériter mes deux semaines de vacances pour reprendre aussi sec le travail le mois prochain.
Merci pour ce billet intéressant.
:-*
23 juillet 2015
Salut Moonlight ! Merci pour ton intervention :)
Ça ne métonne pas du tout. Les opportunités en design sont plus rares que les métiers techniques. Je sais de quoi je parle…
Je comprends totalement. Il faudra qu’on en reparle quand tu auras six mois ou un an d’expérience en tant que « développeur », pour voir si cet sentiment de décalage entre le mot, tes compétences et tes tâches quotidiennes était fondé ou pas :)
Bonnes vacances ! :-*
15 juillet 2015
Cela me rappelle une vieille discussion avec mon compère @desbenoit datant de 2012, où nous nous questionnions déjà sur les intitulés de poste dans le monde du web.
On en était venus à tenter de dresser un genre de cartographie où chaque "travailleur du web" pourrait dessiner son propre profil en sélectionnant des portions de métiers ou des compétences. Ça rejoint ton interrogation et cet excellent point de départ que de considérer chacun comme "concepteur web" avec des spécialités faciles à lister.
Et pour continuer sur cette voie, j'ai toujours beaucoup aimé la méthode proposée par Europass pour définir sa maîtrise d'une langue. La grille d'évaluation propose de s'auto-juger sur des critères clairs, comprendre, parler, écrire : https://europass.cedefop.europa.eu/fr/resources/european-language-levels-cefr
En allant plus loin, on pourrait mixer ces deux approches et créer un "passeport web" où chacun pourrait ajouter ses compétences principales et périphériques, puis pourrait évaluer son niveau de maîtrise à un instant T. Ça n'aidera pas à donner des noms précis aux postes que nous occupons, mais on pourrait s'en servir pour définir des annonces d'emploi, pour créer une nomenclature un peu plus précise...
22 juillet 2015
C'est vraiment une idée à creuser cette histoire de passeport des compétences web, afin de mieux se situer les uns par rapport aux autres, surtout au vu du fait que nous sommes tous polyvalents et que nos distinctions sont parfois très ténues et facilement floues (notamment pour les recruteurs si ils sont à un poste plutôt administratif)...
Je suis bien tentée d'élaborer quelque chose qui va dans ce sens :x
23 juillet 2015
Coucou ! Merci pour ton commentaire et pour les pistes de réflexion que tu y dessines.
+1 pour la bonne idée ! L’idéal serait que cette carte personnelle soit utilisée professionnellement, par exemple lors d’un processus de recrutement, mais aussi qu’elle puisse évoluer dans le temps.
Oui ! C’est une excellente idée.
Néanmoins les offres d’emploi ne pourront pas toutes s’intituler « Concepteur web (H/F) ». Il y aura toujours des titres particuliers pour distinguer un profil de l’autre. Je ne crois pas qu’on puisse y échapper.
Autrement, nous intitulerions tous notre CV « Être humain »… Et ce serait un joli désordre.
Concrètement, les « chasseurs de têtes » (lol) et les recruteurs n’ont pas le temps de passer une heure par profil de candidat. Nommer les profils c’est aussi une façon d’aller plus vite, de comprendre immédiatement le type de profil que l’on a en face de soi, même si je pense que tout le monde est d’accord aujourd’hui pour dire qu’un même mot peut avoir plusieurs significations en fonction de la personne à qui on s’adresse.
Quelle que soit la solution choisie, il y a un véritable obstacle linguistique et cognitif. Or, ne dit-on pas que ce qui se conçoit bien s’énonce clairmeent ?
Pour moi, ce débat sur le nom des métiers et la grande diversité de leurs attributions est un effet secondaire de la polyvalence et de l’évolution rapide de nos métiers. Je ne suis pas sûre qu’il existe une solution universelle.
En attendant, c’est très intéressant de lire les réactions et réflexions de mes consœurs et confrères sur le sujet, ça m’ouvre des perspectives.
15 juillet 2015
J'ai longtemps cherché et piétiné plusieurs mots, groupes de mots et appellations avant d'en choisir un. Hier, je décrivais en tant que "musicienne" ou j'ajoutais une flopée d'intitulés pour être certaine qu'on me reconnaisse bien dans cet art. Aujourd'hui, je définis mon métier et ce que je fais, en fonction de mon interlocuteur. Demain, j'espère utiliser un mot plus conventionnel et adapté à l'évolution de mon boulot/mes compétences (ce fameux profil en T).
Je suis entièrement en phase avec ce besoin de faire évoluer les mots et intitulés, pour toutes les raisons évidentes que tu as énoncées :).
Notre langue n'est pas morte !
23 juillet 2015
Bonjour vous ! Merci pour ton commentaire :)
Sincèrement, je doute que des mots qualifiant nos métiers devienne « conventionnel » ou universel. Mais peut-être que cette capillotraction linguistique concerne davantage les métiers techniques du front-end, que les métiers du design, de l’ergonomie ou du développement back. C’est possible.
16 juillet 2015
Très bonne la comparaison avec la musique. Pour compléter le propos de ma collègue Marie-Cécile, l'autre jour Élie Sloïm disait qu'il travaillait sur une certification professionnelle. Extrait choisi :
23 juillet 2015
Salut Goulven ! Merci pour ton commentaire.
Oui cette certification est utile, et il me semble qu’elle soit ouverte à tous. Dans les faits, ce serait intéressant de savoir quels profils la passent effectivement. Même s’il doit y avoir quelques profils non techniques, je parie que ce sont principalement des intés et des développeurs qui la passent.
Ceci dit, l’idée d’une certification de compétences web est excellente, et devrait dépasser le seul cadre professionnel, pour être acquise dès l’école, quitte à passer des niveaux au fur et à mesure de ses études et de son expérience professionnelle.
On rejoint l’idée du « passeport » dont parlait Marie-Cécile.
16 juillet 2015
En effet c'est un sujet qui fâche... Raison de plus pour en parler :)
Ton exemple avec le musicien est très parlant. Je pense (mais ça n'engage que moi) que le manque de dénominations précises de nos métiers n'est que le sommet de l'iceberg...
Car si on n'est pas d'accord sur les noms, qu'en est-il des formations ?
Puis quand bien même on (personnes du métier) serions d'accord sur une terminologie, il faudrait que ceux qui nous recrutent (et qui ne sont pas toujours issus du web / de la com) la comprenne également.
Un webdesigner n'est-il capable de faire que du web ?
Un graphiste n'est-il qu'un simple exécutant contrairement au DA ?
Un intégrateur ne sait-il qu'intégrer une maquette tandis que le dev front-end va développer tout ce qui se voit ?
Personnellement, au tout début (après le BTS de com visu) j'avais pensé au titre de "designer multimédia". Bon c'était un peu prétentieux et ça ne veut rien dire mais au moins ça résumait le côté touche à tout.
Puis j'aime bien le mot " multimédia" ça ne restreint pas qu'au web puis à chaque fois que j'entends quelqu'un dire qu'il est dans le "digital" j'imagine toujours plein de doigts qui s'agitent (yeeuurrkkk).
Quand j'ai fini la fac, j'avais marqué sur mon CV "Intégrateur - Développeur front-end". Qui peut le plus peut le moins :) mais je faisais la moue en voyant que mon premier contrat ne portait que la mention "intégrateur" car j'ai toujours trouvé ce mot réducteur. Pour moi l'intégration consiste à prendre le travail du graphiste et l'intégrer. Ça ne met pas en valeur la création qui peut être faite.
J'ai vu plusieurs "graphiste-intégrateur" se faire recruter pour un poste de front et quand il fallait faire du Twig ou du JS un peu poussé il n'y avait plus personne (mais il n'y a pas d'âge pour apprendre).
J'ai aussi connu de très bons devoppeurs JS (qu'on appellait frontend) mais qui n'était pas très bons integrateurs car autant ils avaient la pensée MVC autant il n'avait pas la sensibilité graphique.
Du coup je les appellais dev JS et j'etais bien content d'zn avoir un quand il fallait faire de l'AJAX. (En passant, c'est toujours drôle l'AJAX car il y a toujours un moment où le Front et le Back se regardent en pendant tous les deux "ça c'est à toi de le faire").
Et si on me demandait de faire une créa je rendrai un travail mediocre car autant je sais intégrer / animer / décliner autant la création de maquette n'est pas mon fort.
Tout ça pour dire que s'il y a ce flou dans les noms de postz c'est peut-être que les frontières de nos métiers sont très faibles voir floues par moment.
Je reçois souvent des offres de postes pour du dev back alors que sur mon LinkedIn il est inscrit développeur front-end. À croire que pour les recruteurs "développeur" = back. Mais je ne suis oas encore fullstack ^^
Mais même là où je travaille on me demande souvent mon avis pour des questions de back alors que j'ai répété que je ne connaissais telle ou telle techno qu'en tant que front.
Bref, on n'est pas sorti de l'auberge...
Toujours dans ma boite actuelle il y a des "directeurs conseil" et on s'est longtemps demandé à quoi consistait leur poste... (Si jamais vous vous demandez : ce sont des gens qui savent faire mais qui préfèrent qu'on fasse à leur place ;) )
Tout comme j'ai des amis qui sont devenus "Ingénieur R&D", en soit c'est très flou mais j'aime bien le titre quand même car ça met en avant le côté développement/innovation.
De toute façon, même si on dit qu'ils est important de mettre un titre sur son CV, se sont nos expériences qui parlent pour nous.
Mais bon, quand on est à table avec la famille et que ma mamie me demande une nouvelle fois ce que je fais, je ne réponds pas "développeur front-end" mais j'explique que le graphiste fait la maquette, que je la transpose en site, que je l'anime, etc.
Merci pour ce billet intéressant, j'ai hâte de lire la suite.
23 juillet 2015
Hello Philippe ! Merci de partager ta réflexion avec nous.
Clairement, le sujet de la formation et, par extension, de la légitimité est réel. Mais vu qu’on évolue dans un milieu composé majoritairement encore d’autodidactes (cela va évoluer, bien sûr, puisque désormais il existe des écoles pour se former aux métiers du web), le diplôme est finalement assez secondaire. (Et c’est la diplômée de Sciences Po qui te parle ^^)
Maintenant, il est vrai que ce n’est pas si secondaire que ça dans les barêmes salariaux en entreprise. Je pense qu’au-delà de la formation suivie, c’est surtout le niveau d’études qui compte (licence, master, doctorat). Je m’en suis aperçue quand j’ai obtenu mon premier boulot : j’étais la fraîche propriétaire d’un double master, et cela m’avait permis de négocier un salaire que je jugeais correct pour une junior.
Mais, au bout de quelques semaines, je me suis rendue compte que mes collègues qui avaient plus d’ancienneté que moi touchaient moins que moi… Je te laisse imaginer l’ambiance.
Oui. Ça, c’est effectivement une bonne partie immergée de l’iceberg. Le décalage entre la réalité de nos métiers et le discours / les stratégies de communication et de recrutement de ceux qui sont de l’autre côté de la barrière sont toujours criantes. J’ai un projet ancien d’article à ce sujet… Peut-être un jour.
Oui, mais c’est normal. On n’est pas tous développeur dans l’âme, et on n’a pas tous envie de devenir développeur. Il faut juste que les choses soient bien claires lors du recrutement, pour éviter les erreurs de casting dans les deux sens.
Donc, finalement, c’est peut-être bien que les offres d’emploi pour ce type de profils soient les plus complètes possible… Même si ça réduit, du coup, les candidats potentiels à une peau de chagrin.
Voilà ! Tu résumes ma pensée en quelques mots :)
Oui, et c’est pour ça que je rejette le terme de « développeur » pour qualifier ce que je fais, et que quand on me propose un poste avec le mot « développeur » dedans, je ne suis pas emballée de prime abord.
17 juillet 2015
Et que dire quand ce qu'on fait, notre expérience acquise des missions passées, et les actions a mener dans le futur, ne concernent pas le "monde du web", ou la "mode du web" ou meme le mobile comme vécu classiquement aujourd'hui, ni meme le sacro HTML/JS ?
Mais pour autant concerne le design d'interface, le dev de brouettes obscures qui s'auto déploient, ou de systemes numériques qui finiront par s'afficher quelque part sur une télé (?), à travers une interface de voyant lumineux ou se matérialiseraient de maniere sonores ou que sais-je..
J'étends par là le propos à *tout* ce qui est numérique de pres ou de loin, et qui requiert les memes compétences techniques et les memes fonctions au sein d'une chaine de production numérique (lead, architecte, penseur UX, etc etc).
Et la tâche de se trouver un/des titres décrivant nos compétences et nos fonctions, d'essayer de quadriller cela devient certes encore plus dure mais encore plus nécessaire pour faire comprendre ce qu'on fait (dans tout ce bordel ambiant).
En tout cas, quand tu cherches un job, de toute facon faudra bien.
23 juillet 2015
Salut ! Merci pour ton commentaire.
Ouais, voilà. Ceux qui disent qu’on n’a pas besoin de titres sont un peu coupés de la réalité je pense, soit parce qu’ils n’ont plus été à la recherche d’un emploi depuis longtemps, soit parce qu’ils font partie d’une toute petite équipe où le besoin de polyvalence est si grand que ça leur semble étrange de découper autant les métiers.
Or, quand on cherche un emploi et/ou qu’on travaille ou qu’on a travaillé dans une grande boîte, on se rend compte qu’il n’est pas possible d’échapper à cette taxonomie professionnelle.
17 juillet 2015
La dénomination du poste ne m'intéresse pas beaucoup. D'expérience, ça ne veut pas dire grand chose, en particulier dès qu'il y a des mots à la mode comme « designer », « front-end » ou « digital » dedans. Ce sont les boîtes, plus que nous-mêmes, qui ont besoin d'étiqueter leurs bêtes de somme de titres ronflants pour les brosser dans le sens du poil.
J'accorde bien plus d'importance aux compétentes qu'au titre : concrètement, est-ce quelqu'un de bon en intégration HTML/CSS sémantique ? en typo et décli de maquettes ? en dev JS et en interaction ? en templating et en modularisation ? Personne ne sait bien faire tout cela à la fois. Il faut donc plusieurs personnes, deux, trois ou quatre, pour réunir ces compétences, nécessaires pour fabriquer du web.
Côté vocabulaire, c'est moins celui des titres et métiers qui m'intéresse que celui des activités de fabrication.
23 juillet 2015
Salut Romy ! Merci pour ton commentaire.
Autant je peux comprendre que les mots « front-end » et « digital » te donnent des boutons, autant le titre de « designer » ne date pas d’hier (hors web).
Je ne suis pas sûre que ça ait tant à voir avec l’égo des « bêtes » (sic) qu’avec des barêmes de salaire et de la hiérarchie.
Quand on cherche un boulot, on ne peut pas se passer de nommer notre profil, qu’importe le degré de flou choisi. Même si tu te décris comme « Conceptrice web », tu as quand même choisi un titre.
Sinon, ne pas intituler son CV, ne pas choisir de mot dans sa bio Twitter ou sur son blog pour décrire son métier, est sans doute possible. Mais cela ne facilite pas la tâche d’un éventuel recrutement, ni un éventuel « référencement » au sens large (être référencé·e en tant que X ou Y parmi la communauté, je ne parle pas de SEO).
Clairement !
13 septembre 2015
Bonjour Marie, pour un article qui met en exergue l’utilisation parfois hasardeuse de certains mots ou appellations, je dois reconnaître que le passage où un lien pointe vers un de mes articles me laisse un peu perplexe :
Car, même si nous sommes mus par des valeurs communes (et encore…), nous ne faisons pas tous le même métier.
J’aimerais bien comprendre ce que tu sous-entends par ce “et encore…” ramenant vers la première partie de ma trilogie d’articles “Le web en 2015, ce désespoir”. Nous ne nous connaissons pas, sauf peut-être au travers des réseaux sociaux, et je trouve déplacé de douter de mes valeurs, d’autant plus au travers d’un seul article.
S’il semblerait apparemment que nous n’ayons pas la même vision des choses concernant notre l’évolution de notre métier (en grande partie due à nos différentes expériences professionnelles et à nos propres caractères), j’aime à penser justement que nous partageons les mêmes valeurs (professionnelles) : l’honnêteté (vis-à-vis de son client), le respect (du cahier des charges et des contraintes techniques), l’amour (du travail bien fait), etc.
Du coup, est-ce une erreur de formulation de ta part ou réellement un mot qui fâche ?
14 septembre 2015
Salut Phil !
Merci pour ton commentaire.
Mon « Et encore… » faisait allusion à ta critique des standards du web, que tu sembles considérer comme ton article).
(je cite iciMoi, je pense tout le contraire. En gros : ce n'est pas parce que les gens font des fautes d'orthographe ou écrivent sans aucune originalité que l'orthographe ou la grammaire sont coupables. (cf. ce long billet qui détaille mon avis sur la question).
Tu dis encore :
.Certaines de nos valeurs sont donc bel et bien différentes :)
Ce que tu interprètes comme une critique personnelle à ton encontre n'en est pas une.
Ces deux mots ne sont qu'une façon de dire que ce que nous sommes nombreux, dans cette communauté, à considérer comme fondamental et important (standards du web, accessibilité, bonnes pratiques) ne font en réalité pas l'unanimité, comme le démontrent tes trois billets.
Le fait que je n'ai choisi que deux mots suivis de points de suspension et entourés de parenthèses montre que je voulais simplement signaler, en passant, l'existence d'un débat sur ces valeurs fondamentales.
Du reste, tu avais sans doute conscience de donner un coup dans la fourmilière au moment où tu as publié tes trois articles : je t'avoue que l'angélisme de ton commentaire me surprend donc un peu !
Si tu publies quelque chose publiquement, et que tu t'attends à ce que ne donnent leur avis que les gens 1/ qui te connaissent et 2/ qui sont d'accord avec toi, cela réduit considérablement l'intérêt de tout débat, à mon avis.
14 septembre 2015
Bonjour Marie, je te remercie pour ta réponse qui me permet d'un peu mieux comprendre ce que tu voulais dire.
Si je devais reprendre ta métaphore sur la grammaire et l'orthographe, je dirais que la langue française, malgré sa difficulté de maîtrise, est une langue si riche qu'elle offre de nombreuses possibilités d'écritures, telles que les livres, les poèmes, et bien d'autres choses magnifiques. Si, pour une raison ou une autre, on en venait à décider de réduire le nombre de mots et à simplifier la grammaire pour la rendre plus accessible à un maximum de personnes, la richesse des écrits en pâtirait, tout simplement. Ce n'est pas forcément une question de remettre la faute sur quelqu'un ou quelque chose, mais de constater que, dans ce changement, la langue française a perdu de sa valeur.
Pour en revenir à ce mot, je pense très sincèrement qu'une grande majorité des personnes qui travaillent dans le web le plus souvent avec passion et honnêteté sont, comme tu le dis, mus par des valeurs communes, et ce bien qu'ayant des visions différentes sur l'évolution actuelle de notre métier.
C'est aussi cette différence de vision qui fait la richesse des débats.
Mon "coup de pied dans la fourmilière" (tel que tu le décris) a, en effet, suscité quelques réactions, dont une bonne partie qui n'allaient pas dans mon sens. Ce n'est pas pour autant que ces avis ne m'intéressaient pas, bien au contraire, l'idée étant justement de créer un débat... qui continue un peu ici d'ailleurs ! :)
Tout ça pour dire que je n'ai pas de problème avec la critique (tant que celle-ci est fondée, bien sûr). Par contre, je suis persuadé que, toi aussi, tu n'apprécierais pas si celle-ci s'apparentait plus à un jugement de valeurs. Voilà tout.